La signification de la Pâque chrétienne prend sa source dans la Pâque juive et l’accomplit, ce jusqu’au temps de sa venue dans l’histoire : pendant la fête de Pessa’h. Il est donc important de se familiariser avec la théologie pascale juive ancienne, au temps de la mort et de la résurrection de Jésus, pour pouvoir apprécier un peu plus à la manière de ses disciples les signes de cet accomplissement.
La tradition ancienne, commémorant la sortie d’Egypte, associait la fête de Pessa’h avec quatre grands thèmes qui, tu vas le voir, sont comme le substrat de la relecture chrétienne de Pâque : la création, le sacrifice, la (re-)naissance, et la fin du monde ou fin des temps.
C’est ce que l’on retrouve dans une glose de l’Ecriture, un développement ancien transmis oralement, dans le targum de l’Exode qui fait un commentaire poétique du verset : « C’est la nuit prédestinée et préparée pour la délivrance devant YHVH lors de la sortie des fils d’Israël, libérés de la terre d’Egypte » (Ex 12, 42).
Voici ce texte, ci-dessous, extrait du codex Neofiti traduit par R. Le Déaut[1].
Quatre nuits ont été inscrites au Livre des Mémoriaux. La première nuit (fut) celle où YHVH se manifesta sur le monde pour le créer : le monde était désert et vide et la ténèbre était répandue sur la surface de l’abîme (Gn 1, 2). Le Memra de YHVH était la lumière et illuminait. Et il l’appela nuit première.
La deuxième nuit (fut) quand YHVH se manifesta à Abram âgé de 100 ans et Sara sa femme âgée de 90 ans (Gn 17, 17) pour que s’accomplit ce que dit l’Ecriture : est-ce qu’Abram âgé de 100 ans va (peut) engendrer, et Sara sa femme âgée de 90 ans enfanter ? (Est-ce qu’Isaac n’avait pas 37 ans au moment où il fut offert) Et Isaac avait 37 ans lorsqu’il fut offert sur l’autel : les cieux sont descendus et se sont abaissés et Isaac en vit les perfections et ses yeux s’obscurcirent par suite de leurs perfections. Et il l’appela nuit seconde.
La troisième nuit (fut) lorsque YHVH se manifesta contre les égyptiens au milieu de la nuit (Ex 12, 29 ; Sg 18) : sa main tuait les premiers-nés des égyptiens et sa (main) droite protégeait les premiers-nés d’Israël pour accomplir la parole de l’Ecriture : mon fils premier-né, c’est Israël (Ex 4, 22). Et il l’appela nuit troisième.
La quatrième nuit (sera) quand le monde accomplira sa fin pour être dissous. Les jougs de fer seront brisés et les générations de l’impiété anéanties. Et Moïse sortira du désert (… lacune …) L’un marchera sur le sommet d’une nuée (ou mieux : en tête du troupeau) et l’autre marchera sur le sommet d’une nuée (ou en tête du troupeau) et sa Parole marchera entre les deux, et eux marcheront ensemble.
C’est la nuit de Pâque pour le nom de YHVH : nuit fixée et réservée pour le salut de toutes les générations d’Israël.
- [1]in La Nuit Pascale: essai sur la signification de la Pâque juive à partir du Targum d’Exode XII 42, Roger Le Déaut, Institut Biblique Pontifical, Rome, 1963.↩
Didier Rimaud se serait-il inspiré de ce texte pour son poème/hymne « Voici la Nuit »?
Le passage de la 4e nuit fait très apocalyptique, il plaira beaucoup à mon père.